Desormais l'artiste pénétre le mystére et les moyens du verbe. Délivré des soucis narratifs qui l'obligeaient à raconter le paysage pour définir sa prise de conscience devant le monde, il découvre toutes les vertus de l'écriture, les pouvoirs illimités du discours. A la croisée des chemins du monde nouveau, le créateur sent les richesses organiques de sa créature, l'ampleur décisive de son geste, l'espoir qu'il met dans des lendemains de fraternité et de découverte. Son engagement est le témoignage d’une action possible, d’où toutes les aliénations et les illusions seraient honnêtement écartées. Par la peinture, il va vers la peinture, ce moyen le guide vers ce but. En définitive il combat pour son confrère l'homme, puisque tout enrichis- sement de la personne humaine doit nécessairement profiter à tous les hommes, selon l’irréductible direction d’une dialectique tournée vers l’histoire et non vers les ténébreuses impasses passionnelles de la scholastique. Dans cette effusion lyrique, fin de la création plastique, c'est au moyen de la couleur et de la forme que le peintre définit sa position et son parti-pris. Son regard va chercher au fond des objets, sur la surface miroitante des reflets, au seuil des élans et des chutes, cette eurythmie de l’œil qui crée chez l’observateur l’émotion esthétique. Poète visionnaire, au sens où l’organe de la vision est soumis à la recherche, le peintre d'aujourd'hui voit ce qui pour l'instant demeure caché à tous ceux dont les yeux ne sont pas encore dessillés. L'objet- peinture se précise: il est partout où le sujet-Homme a les moyens d'appréhender, de prolonger le mystérieux contact du pigment, l'allu- sion discursive de la forme. Les artistes lyonnais ne demeurent pas à l'écart du combat, dégagés des responsabilités et des périls. Dés maintenant, au sein de la lutte, ils affirment l'originalité de leurs positions, la ferveur, l'honnéteté et le serupule qui caractérisent dans tous les domaines l’orgueilleuse conscience de Lyon. RENE DEROUDILLE. D