LES BEAUX, LES BONS VOYAGES . . e Ce sont ceux qu’en bonne compagnie on entreprend pour rendre visite à des amis auxquels on se trouve spirituellement liés. C’est ce genre de voyage que vont faire, à nouveau, quelques uns de nos meil- leurs peintres lyonnais. Nos artistes sont, en effet, pour la deuxième fois, invités à Luxem- bourg. C'est beaucoup d'honneur pour une ville de province française; nous en remercions nos amis luxembourgeois et nous souhaitons que ce nouvel envoi — qui comporte des peintres déjà connus et quelques nouveaux — ne les décoive point. n Lyon est certainement la ville francaise qui, apres Paris, suscite, inspire les plus nombreuses et les plus talentueuses vocations de pein- tres. Je wai pu encore en découvrir les raisons. L’esprit de la peinture, il faut bien le croire, souffle où il veut, puisqu’il peut choisir les steppes glacées de la solitude et de l’indifférence lyonnaise. Nous sommes tous envoûtés par Paris. On oublie un peu trop que les plus grandes œuvres ont été conçues en province, celles, par exem- ple, de ces maîtres silencieux, bavards en d’autres bouches: Cézanne, Van Gogh, Gauguin ont bâti leurs univers loin des esthéticiens et des critiques à la mode. Et puis, ce que l’on appelle communément « École de Paris» est composée surtout d'étrangers et de provinciaux. Paris acceptant une invitation fait toujours un peu Peffet d’un parent trop riche. La province française, elle, sempresse fraternelle- ment car nous nous sentons liés. Ne sommes-nous pas, en effet, frater- nellement liés, amis luxembourgeois, et très prés les uns des autres par le recul commun sur les modes, par cette conscience d’un parfait métier, en un mot par cette authenticité que réclame une véritable œuvre d’art conçue loin des fracas, des discours et volontairement absente des gloires parfois fugitives de la capitale? Votre KUTTER n’est-il pas une magnifique preuve de cette authenticité, de. cette cons- cience, de ce génie? “Les peintres lyonnais choisis — imaginaires ou représentatifs — témoigent tous, ils l’ont prouvé, d’une réelle vocation. «On entre en art comme on entre en religion » avait coutume de dire un vieil ami, écrivain de province. Cela est vrai. La mission de l’artiste n’est-elle pas de nous montrer l’invisible et d’être en cela une espèce de baladin du mystère? Bon voyage donc, et bonne chance à cette exposition . MARCEL MICHAUD. e