Deux choses caractérisent l’œuvre gravé de Picasso: l’abondance et la diversité. I] en va de même, on le sait, de son œuvre peint. Et ce n’est pas là la seule similitude qui existe entre celui-ci et celui-là. Nous avons des gravures oü nous retrouvons les personnages amaigris, osseux, le climat mélancolique, le style un peu maniéré de l'époque bleue (le Repas frugal, par exemple); nous en avons qui, représentant des saltimbanques aux corps souples, aux visages sérieux, s'apparentent aux tableaux de l'époque rose. D'autres, qui ont pour thémes des natures mortes ou un Homme à la guitare, sont traitées dans l'esprit du Cubisme. Il y en a qui montrent des femmes à la fontaine, à la plage, dans des ateliers d'artistes et qui rappellent le réalisme de l'Antiquité — ou celui d'Ingres. Il y en a aussi devant lesquelles on pense au Surréalisme comme il y en a qu'on peut qualifier d'expressionnistes. Personne n'ignore que ces mémes termes s'appliquent à des peintures de Picasso. Naturellement, si certains thèmes reviennent dans les deux séries d’œuvres, 1l arrive que l’un est plus fréquent dans l’une que dans l’autre. Au reste, on aurait tort de croire que les gravures sont de simples reflets des tableaux. D'abord parce que le plus souvent elles ne comportent que des noirs et des blancs. Ensuite parce que chaque technique offre des possibilités différentes et qui influencent jusqu'au style. De 1904 à 1945 ainsi que pendant les dix derniéres années de sa vie, Picasso exécute surtout des gravures sur cuivre. Cette préférence s'explique aisément: c'est son amour du trait acéré, incisif qui le conduit à recourir à l'eau-forte et à la pointe sèche (auxquelles il ajoute parfois le burin). Aussi dans de nombreuses œuvres trace-t-il des lignes pures, minces, sinueuses ou raidies qui, en animant la feuille de leur graphisme limpide, suggèrent des volumes, bien qu’elles ne marquent que des