a connue dés l'áge de quinze ans et à laquelle il semblait lié par tradition familiale. Au départ rien ne lui a été donné, sinon par atavisme, cette énergie, cette opiniátreté, ce sentiment de dignité et de confiante espérance qui fondent en soi l'admiration que nous portons chez lui à l’homme même. Il lui a fallu tout conquérir de haute lutte, par un labeur solitaire, obstiné, franchir pas à pas les étapes d’une difficile initiation artistique par les cours du soir, la confrontation avac les chefs-d’oeuvre des musées, l’insertion dans son époque et dans les milieux parisiens; acquérir enfin la somme de connaissances qui lui faisait cruellement défaut. La réussite qu'il obtient au bout de combien d'années d'efforts incessants, il la doit autant à ses dons exceptionnels qu'à sa persévérance pour répondre à une vocation impéra- tive, enfin aux amitiés qu'il a su nouer, telle celle de Picasso toujours prét à l'encourager. L'assurance, l'autorité qui émanent de lui, n'ont rien de factice ou d'emprunté, elles procédent de sa puissante personnalité, elles résultent aussi du sentiment de la táche ac- complie à souhait, par un homme respectueux et amoureux du métier qu'il a choisi. Il s'en explique d'ailleurs avec une aisance extréme et parle avec brio, dans des termes d'une indéniable sincérité, de tous les problémes plastiques qui le passionnent, sans jamais chercher à forcer l'adhésion de quiconque. De méme, ni les préoccupations sociales qui l'animent en permanence, ni ses prises de position, n'aliénent le parti esthétique qu'il adopte tour à tour. Plutót que de vouloir imposer ses convictions, il donne la préférence à cette profonde tendresse humaine qui illumine ses toiles. L’oeuvre qu'il a élaboré est indissociable de celui qui l'a engendré et à son image méme. C'est une création sans cesse reprise et amplifiée, authentique, ouverte, généreuse, embras- sant à plein corps les multiples aspects de la vie, les etreignant solidement pour mieux les définir. Je la comparerais volontiers à un arbre dont le tronc se renforce, s'accroit réguliére- ment, dont les ramures se développent et s'élargissent, dont les racines gagnent en profon- deur; un arbre qui se dresse puissamment solitaire, faisant face aux vents contraires qui l'enveloppent souvent avec violence. Car, par un paradoxe inattendu que Raoul-Jean Moulin a mis en valeur, cet oeuvre en constante évolution échappe aux contraintes du moment, ignore les tentations de la mode ou les ralliements intéressés et apparait fréquemment détaché, isolé du contexte qui l'entoure et à maintes reprises en totale opposition avec les courants predominants. Dés avant la guerre oü le Surréalisme, les événements de plus en plus menagants, exer- caient leur ascendant, Pignon demande déjà au réel l'onde de choc, le stimulant émotif dont il éprouve l'impérieux besoin, füt-ce à travers le souvenir, pour le transposer en fonction d'un heureux lyrisme qui déferle en lui avec une singuliére vigueur. Contrairement à la plupart