Une étroite amitié nous lie désormais et chaque projet nous rapproche davantage: l'exposition «Douze peintres d'aujourd'hui» que je présente en février 1943 à la Galerie de France oü il est au premier rang aux cótés de notre cher Villon; l'élaboration patiente — motif d'espoir pour nous tous durant cette lugubre période — du Salon de Mai qui nous unira chaque année dans un fraternel labeur depuis la Libération jusqu'à maintenant; enfin la préparation retardée par les événements, de mon ouvrage paru en 1945 «Les problémes de la peinture» où, selon mes voeux, il occupe aux yeux de tous la place majeure. Qu'il n'y ait pas d'équivoque à ce propos. Je n'ai fait qu'enregistrer une montée specta- culaire qu'il a su effectuer, déjà dans la plus entiére solitude, en s'affirmant aux divers Salons d'Automne, dans l'album et la présentation de «Cinq peintres» à Paris en 1944, lors de la manifestation de groupe au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles en 1945 et, mieux encore, avec son exposition particuliére à la Galerie de France en 1946. Il a si pleinement conscience de l'objet de sa recherche qu'il en définit avec pertinence, avec lucidité, le sens et la portée dans un texte redigé à mon intention au début de 1944 oü sa conclusion méme, malgré les affres de la guerre, anticipe magistralement avec con- fiance sur la voie qu'il allait désormais faire sienne. On peut en juger par les quelques lignes suivantes d'une indéniable valeur prophétique: «Une grande partie de l'effort actuel va créer un échange constant, un mouvement de va-et-vient entre tous les éléments du tableau, comme un dialogue qui en accentue l'ex- pression, faisant que, gonflées de réalités perçues à différents instants, à différents niveaux et condensées dans la toile, toutes les parties se répondent ... La conquéte progressive de l'espace coloré permettra, peut-étre un jour, à la peinture, depuis des siécles délice d'amateurs privilégiés, de redevenir jouissance collective ... La jeune peinture ne veut pas un divorce entre ses créations et le réel, entre l'artiste et le monde, mais au contraire leur communion et l'exaltation de la réalité dont elle aspire à condenser le drame.» Dans le modeste et vétuste atelier de la rue du Moulin Vert oü il vécut plusieurs années, dans celui plus vaste de la rue des Plantes qu'il occupe depuis longtemps, j'ai souvent revu Pignon, toujours aussi fidéle à son choix d'antan, à son éthique, à ses amitiés, à ce chant profond de l'existence qui coule de source en lui. Sa générosité fonciére l'éloigne de tout calcul comme de tout compromis. La richesse de sa nature l'entraine dans un irrésistible élan au sein duquel l'optimisme n'a cessé de l'emporter sans conteste. Pourtant que de sacrifices consentis, que d'obstacles surmontés pour détourner le cours fatal des choses, pour s'opposer au destin, pour sortir de la condition de mineur qu'il no)