EDOUARD PIGNON UN MONUMENTAL ET PUISSANT TEMOIGNAGE HUMAIN Le nom de Pignon était venu à plusieurs reprises sous ma plume dans les colonnes de l’hebdomadaire «Marianne», en 1938, à l’occasion du Salon des Nouvelles Générations à la Galerie Billiet en avril, du Salon de l’Art Mural place de l’Opéra en juin, du Salon des Surindépendants à la Porte de Versailles en octobre ou des diverses manifestations de l’A.E.A.R. (Association des Écrivains et Artistes Révolutionnaires). Chaque fois sa parti- cipation m'avait paru une des plus convaincantes par son éloquence vigoureuse et j'aurais volontiers contresigné les éloges enthousiastes qu'André Lhote, avec son autorité familiére, lui décernait dans la «N.R.F.» en janvier 1939 ou lors de sa premiére exposition particuliére à la Galerie d'Anjou. Je ne connus vraiment l'homme que plus tard durant l'hiver 1941 oü j'allais lui rendre quelques visites à Boulogne-sur-Seine dans l'atelier, ó combien glacial je m'en souviens! de Lipchitz oü il s'était installé pour sauver les oeuvres, enterrées dans le jardinet, du sculp- teur réfugié à l'étranger. Il se révélait tel que je l'avais imaginé, plein d'allant et d'assurance, mais simple, cordial, direct, m'exposant son appréhension à accepter le contrat que lui proposaient tour à tour la Galerie Friedland, puis la Galerie de France, lui qui jusqu'alors n'avait presque jamais rien vendu durant prés d'une décennie d'activité picturale! Je l'associais, naturellement, à la série de manifestations que j’organisais à ce moment à la Galerie Berri-Raspail sous le titre «Les étapes du Nouvel Art Contemporain», pour témoigner, aprés la décisive démonstration en mai 1941 des «Vingt peintres de tradition française», que la continuité de notre peinture était assurée. en dépit des menaces formulées par les occupants nazis contre ce qu’ils appelaient «l’art dégénéré». Pignon fut même, je crois, le premier à signer le manifeste que je publiais en hommage à Picasso pour repousser les calomnieuses attaques dont celui-ci était l’objet de la part de certains milieux soi-disant francais.