TEMOIGNAGES D’ARTISTES Jean Le Moal: Vers 1950, j'avais réalisé deux cartons de tapisserie se rapportant au théátre, pour lequel je travaillais beaucoup à l'époque. Raymond Cogniat, trés pertinem- ment, me mit en contact avec Jacques Plasse Le Caisne, qui se déclara tout de suite disposé à les tisser. Depuis, mes relations avec lui et son «Atelier». c'est-à-dire avant tout sa femme Bilou et sa fille Christine, sont suivies et trés amicales. Vers 1962, à l'occasion d'une exposition de mes aquarelles, l'idée nous vint de donner à l'une de ces ceuvres des dimensions monumentales en la transposant dans la laine. La chose m'intéressait d'autant plus que je savais que sous les doigts des Plasse Le Caisne la tapisserie ne serait pas un simple agrandissement, mais le produit d'une conjonction de deux sensibilités, et qu'elle garderait la fraicheur de l’œuvre créée. De fait, il y eut entre nous une véritable collaboration. Non que je sois intervenu lors du tissage, mais une aquarelle que j'avais exécutée en toute liberté a été pour les tisserands une proposition qu'ils ont interprétée avec liberté, eux aussi. Et par là méme ils l'ont enrichie. Alfred Manessier: Un jour, il y a une quinzaine d'années, mon ami le peintre Jean Le Moal me fit rencontrer un tisserand et sa femme, habitant à Paris, dont les premiéres réflexions coincidaient parfaitement avec les miennes. Ils pensaient, comme moi, que l'automatisme de l'exécution, l'habitude, la chose déjà connue et répétée mécaniquement, les trucs, les recettes du monde de la sécurité, étaient les ennemis de l'esprit de liberté; et qu'il fallait veiller à ce qu'ils ne mettent en péril l'enjeu spirituel qu'est la réalisation d'une tapisserie, comme de toute ceuvre d'art.