Tandis que vers 1920 Poeuvre est un bloc compact, plus ou moins articulé par de stricts plans géométriques, aprés 1930 elle s'ouvre, s'épanouit. Les bras et les jambes s'écartent des torses, decrivent des courbes ondulantes, entourent des vides qui font res- sortir les pleins et ceux-ci sont de plus en plus charnus et solides. En ^ t2 SC méme temps, la composition se simplifie, les contrastes entre les volumes s’accentuent, les profils dessinent des rythmes plus amples, si bien que La Grande Musicienne de 1938 est non seulement une oeuvre riche en tensions, en lyrisme, mais aussi l'une des sculptures les plus majestueuses du XXe siécle. Certes, les créatures de Laurens n'ont rien à voir avec les nus que Y t / . . > nous devons à la tradition gréco-romaine; elles ignorent ce qu’on appelle d'ordinaire la beauté ou l'élégance physiques. Néanmoins, pour difformes qu'elles puissent étre par rapport à une anatomie normale, elles ne sont étrangéres ni à nos expériences, ni à nos réves, ni à nos désirs. Qu’elles doivent leur existence à l'imagination est hors de doute, mais il est non moins évident qu'une réalité les habite, dont le poids augmente avec les années et qui peut surprendre par ce qu'elle a de complexe. En effet, telle forme &voque un tronc d’arbre ou une branche, telle autre un corps ou une patte d'animal: Laurens pousse ses créatures à s'évader des limites de l'organisme oà l'étre humain est enfermé, il leur donne ces possibilités de métamorphose dont l'homme