En Souvenır de Jean-Pierre Beckius Parler de Jean-Pierre Beckius, ce n'est pas faire appel à la mémoire, pour qu'elle rafraichisse les traits estompés d'un grand peintre disparu, c'est inviter l'admiration à relever le fait d'une présence, maintenue permanente grâce aux œuvres poétiquement nettes et spirituellement abordables de l'artiste, malgré le trés tendre voile, tissé de couleurs, de transparence, de délicatesse et de mystère, qui les couvre. x A J'ai toujours aimé ce lyrique, aux nuances de transitions finement effectuées, je l'aime encore et je ne cesserai de proclamer les qualités peu communes de cet imagier-né qui, toute sa vie laborieuse durant, a su faire valoir au maximum l'essence artistique, dont il était imbu. Tant ses paysages que ses portraits portent la marque du plaisir congénital, ressenti à l'acte créateur qui, en transformant la face des choses vues, se changeait en une sorte de prière, à la fin de laquelle l’œuvre accomplie, offerte à tout le monde, faisait que la nature du peintre se manifestât irrésistiblement dans une modestie sans nom, renonçant aux voluptés de la gloire recherchée à tout prix. Cet homme simple et esseulé était, plus ou moins, l’incarnation humaine d’une formule évocatoire, inventée par Jean de la Bruyère : « Il y a des lieux que l'on admire, il y en a d'autres qui touchent et où l’on aimerait à vivre. Il me semble que l'on dépend des lieux par l’esprit, l'humeur, la passion, le goût et les sentiments. » Jean-Pierre Beckius en dependait tellement que ses facultes ne pouvaient éclore totalement que lorsqu’il en était devenu l’âme vivante, pour ainsi dire, et le propriétaire passager. C’est alors qu’il entamait une lutte acharnée, pleine de douleurs et d’amertumes, avec l’invisible qu’il ne cessait de flairer derrière le visible qui le défiait. Ce n’était pas seulement le visible qui le hantait, c'était avant tout linvisible, auquel il s’attaquait, en y croyant, et qu’il s’obstinait à faire pressentir dans les touches les plus légères et les moins opaques de ses tableaux. De ce conflit jaillissait l’élément 2