a la vocation de l’epoque. Apres une periode de grande confusion, tout le mouve- ment déclaré moderne s'engouffra dans l'Abstrait. C'est en vain que, dans le méme temps, les archéologues et historiens d'art, les conservateurs de Musées et les édi- teurs étalaient aux yeux du public les variétés innombrables d’une figuration visionnaire et jaillissanté dont je viens d’évoquer l’immensité par quelques rares exemples. Chacun voulait bien reconnaître leur intérêt documentaire et historique, ou même leur qualité artistique, mais la vogue d’une abstraction intransigeante et tyrannique les déboutait de toute valeur exemplaire sur le plan de la création actuelle. Du moment qu’un relief grec figure Déméter, du moment qu’un émail Mosan du XII° siècle représente la vie du Christ, on les relègue dans un passé absolument révolu et leur pouvoir vivifiant se trouve aboli. Tout au plus s’est-on emparé de certaines audaces plastiques pour les pousser à leur paroxysme, en annu- lant leur puissance figurative. On devine que ma démarche créatrice a été toute différente. Les audaces plastiques, j'ai toujours pensé qu'il suffisait d'une main ferme et d'un pinceau bien chargé de couleur pour les produire, mais c'est le but ultime de l'opération qui a été mon souci constant, et c'est l'amour du Monde dont témoignent ces figurations anciennes qui s'est révélé mon plus précieux appui. Voilà pourquoi je les tiens, de mon cóté, pour éminemment actuelles. Est-il besoin de dire que je ne me suis pas inféodé au Précolombien ou au Médiéval dàvantage qu'à l'Abstrait ou au Tachisme ? Est-il nécessaire d'ajouter que je n'ai jamais perdu de vue l'obligation, pour un artiste, de créer une œuvre qui soit de son siecle et non pas d'un autre ? Simplement, je n'ai pas attendu qu'on parle d'une « Nou- velle Figuration » pour m'efforcer vers une figuration nouvelle. Certains croient discerner, en effet, dans la situation actuelle de l'art, les prémisses d'un vaste retour au figuratif. Alors, la compréhension de mon œuvre deviendra plus facile, l'humanité avant surmonté les interdits jetés sur la Figuration libre par la Renais- sance d’abord, ensuite par l’Abstrait. Mais nous n’en sommes pas encore là, et beaucoup d’eau coulera sans doute dans la Moselle avant qu’un tel résultat soit acquis. Ma peinture, en attendant, demande à l’amateur un effort original et personnel. Effort qu'un contact profond avec le Cubisme pourrait favoriser, et dont un élan véritable vers les formes figuratives anciennes, dont je vous entre- tenais il y un instant, serait peut-étre le meilleur préambule. Charles LAPICQUE