INTRODUCTION La difficulte que le public rencontre generalement en presence de mon art, réside dans ce fait que je ne me suis jamais inféodé à l’un de ces mouve- ments, à l'une de ces écoles qui ont jalonné la marche de l’art moderne, et dont le nom seul serait pour vous une aide à la pénétration de mon œuvre. Ce n’est pas que j’aie ignore ou meprise les diverses tendances collectives qui, tour à tour ou simultanément, ont eu l'ambition et parfois la gloire d'élargir notre conception de l'art. Souvent, au contraire, je les ai pratiquées avant que cette gloire leur soit reconnue par la critique et le public. C'est ainsi que, des 1925, je m'abandonnais à l'abtraction pure en certaines occasions, par exemple si je voulais évoquer le sentiment qu'avait fait naître en moi l'audition d'une ceuvre musicale. Dans la suite de mes travaux, je suis resté fidele à la sorte d'ascése pratiquée par l'école abstraite, qui consiste à rechercher sur la toile une organisation qui vous émeuve par elle-méme et directement, sans doute en raison de quelque parenté avec ce qu'on a souvent appelé les « paysages originels de l'àme humaine ». Seulement, tandis que les tenants de cette école écartaient soigneusement de leur création toute forme pouvant rappeler un objet du monde extérieur, je me suis efforcé, au contraire, d'apporter, par mon œuvre, la présence de tels objets. Je n'ai pas vu de raison de me priver de cet apport puisque, à y bien T regarder, un spectacle de la Nature ne peut nous atteindre que pour autant qu'il rejoint précisément quelque configuration intime de notre étre. J'ai donc pensé que la discipline abstraite pouvait étre mise au service de la F iguration par une sorte de projection visionnaire des spectacles sur la toile. En gros, c'est à cette enireprise que je me suis attaché, tantót en songeant d'abord à l'apparence vécue du Monde que je modifiais jusqu'à lui donner la force de choc témoignant de son intériorisation, et plus souvent peut-étre, en commencant par laisser surgir sous mon pinceau des traits ou des taches d'allure incantatoire, jusqu'au moment ou leur organisation me paraissait adéquate au souvenir ou à l'imagination d'un objet déterminé. Cette derniere démarche. on le voit, n'est pas sans rapport avec les tendances dénommées maintenant « tachisme » ou « peinture gestuelle » que je n'ai pas négligées ni méprisées davantage que la tendance générale abstracti- sante, mais que j'ai pratiquées, au contraire, bien avant qu'elles aient été codi- fiées, et pour des fins différentes de celles de leurs adeptes, je veux dire pour montrer finalement un aspect reconnaissable du monde. Que cette reconnaissance ne soit pas toujours immediate, il ne faut pas des lors s'en étonner. Dans une toile comme « Les Récifs », par exemple, le mouve-