INTRODUCTION Kutter, aujourd’hui, n’est plus discute. Depuis des annees, l'enver- gure et le rang de son art sont reconnus par tout le monde. Bt si jadis il pouvait choquer par ses audaces, il se recommánde à l'heure actuelle par sa mesure et sa solidité. Que l'on puisse parler de mesure, de solidité à propos d'un artiste qui se rattache à l'Expressionnisme, voilà qui indique d'ailleurs combien sa position est originale. De fait, encore qu'il ait trouvé sa voie à Munich et que plus tard il se soit laissé orienter par Vlaminck, il s'écarte de ce dernier aussi bien que des Expressionnistes allemands. Loin de se signaler par son goût de la crudité, de la véhémence, de la débauche, Kutter se distingue par sa tenue. Son art est plein de force, mais il n'a rien de chaotique. Un généreux tempérament s'y affirme, mais il s'exprime dans un style surveillé. Kutter avait l'habitude de travailler longuement ses peintures, et il s'évertuait plus à les rendre significatives en tant que compositions picturales qu'à leur faire traduire un état d'âme émouvant. Ainsi, il a pu peindre en 1930 le fameux Homme au doigt coupé qui est d'une impassibilité absolue et qui nous touche uniquenient par la vigueur de sa forme et la richesse de son coloris. Certes, les figures qui lui succèdent sont plus que d'admirables « morceaux de peinture »:' des idées, des sentiments s'y matérialisent, et un ‘pathétique des plus poignants se fait jour dans les Clowns. Mais jusque dans ces ceuvres, où son cœur torturé par une sournoise maladie se met à nu de manière bouleversante, l'artiste ne cesse de se préoccuper essentiellement des problémes picturaux. Si le tragique se glisse dans son art, c'est pour ainsi dire malgré lui, ce qui prouve, du reste, combien est impérieuse la nécessité qui l'améne à se manifester. Les problemes picturaux? Kutter, d’abord, s'attache à accroitre continuellement la sonorité de ses accords et la saveur de sa matiére: il aime que son coloris soit grave, mais il ne veut pas qu'il soit ascétique. Si des noirs ou des teintes sombres frémissent dans ses fonds, devant eux, ce sont des tons chauds ou vifs qui rayonnent, et plus l'artiste avance, plus sa palette devient intense et fleurie. Cependant, pour épris qu'il soit de la couleur, il ne méconnait point le rôle de la forme. En la simplifiant, en la géométrisant, il la définit si énergiquement dans ses 5